Fond jaune avec une banderole blanche et rouge sur laquelle est écrite Le centre d'art coupe ses fluides.

The Shelf Company

Couper les fluides - alternatives pragmatopiques

Le mot du comité écothèque

Voici un projet ambitieux du Centre d'art contemporain de Malakoff qui suscite un intérêt évident : couper les fluides (eau, gaz, électricité) pendant 5 mois, dans les espaces d'expositions et les bureaux. Comment les artistes et l'équipe ont-elles vécu ces contraintes, comment se sont-elles adaptées ? Cette fiche vous donne à lire les actions menées sur l'ensemble du cycle de vie du projet. Le rapport joint, édité par le collectif Les Augures, permet d'aller plus loin dans l'observation de ce projet.

Publié par Sylvie Betard, Julie Esmaeelipour le 13/03/2024, mis à jour le 09/10/2024


Type de projet

Domaine artistique

Arts visuels

Régions

Île-de-France

Description du projet

Depuis plusieurs années, le centre d’art contemporain de Malakoff porte une attention particulière aux enjeux environnementaux et sociaux, et met en place des bonnes pratiques pour réduire son impact, rémunérer ses artistes, favoriser l’économie circulaire, jusqu’au ralentissement de sa programmation afin d’encourager un “écosystème d’attention”. 

Du 12 février au 8 juillet 2023, le site maison des arts (un des deux lieux du centre d'art contemporain de Malakoff) a souhaité amorcer un pas supplémentaire avec l’expérimentation “Couper les fluides”. Pendant plusieurs mois, l’établissement a renoncé à l’usage des fluides, eau, gaz et électricité, dont il dépend aujourd’hui pour fonctionner. 

Est-ce que “Couper les fluides” signifie se couper du monde extérieur ? Comment ré-inventer le travail low carbone, low fluides ? Ce furent bien là les enjeux de l’expérimentation et de son observation.

Photos

  • Vue d'ensemble avec l'oeuvre d'Endré Tot (une banderole comportant que des 0 et des ponctuations). Au fond de l'image on aperçois la Librairie consultative avec 3 longues étagères présentant 200 livres. AU premier plan on aperçois l'agora comme un petit amphithéâtre en bois.

    Vue du projet "Couper les fluides", 2023

    © centre d'art contemporain de Malakoff

  • Vue du projet "couper les fluides"

    © centre d'art contemporain de Malakoff

  • Vue du projet "couper les fluides"

    © centre d'art contemporain de Malakoff

  • Vue du projet "couper les fluides"

    © centre d'art contemporain de Malakoff

  • Vue du projet "couper les fluides"

    © centre d'art contemporain de Malakoff

  • Vue du projet "couper les fluides"

    © centre d'art contemporain de Malakoff

Éco-responsabilité du projet

0 Concevoir ensemble
1 Sélection des matériaux ayant le moins d’impact
2 Réduction de la quantité de matière
3 Optimisation des techniques de production
4 Optimisation de la logistique
5 Réduction de l’impact environnemental de la phase d’utilisation
6 Optimisation de la durée de vie du projet
7 Optimisation de la fin de vie du projet

© studio dazd – Augures Lab Scénogrrrraphie, d'après la roue de Brezet

0

Concevoir ensemble

1

Sélection des matériaux ayant le moins d’impact

2

Réduction de la quantité de matière

3

Optimisation des techniques de production

4

Optimisation de la logistique

5

Réduction de l’impact environnemental de la phase d’utilisation

6

Optimisation de la durée de vie du projet

7

Optimisation de la fin de vie du projet

Qu’est-ce qu’une démarche d’écoconception ?

L’écoconception répond à un cadre strictement défini par une norme et dont l’objectif est “d’obtenir un produit ou un service qui répond à un besoin fonctionnel et dont l’impact environnemental a été réduit de façon significative” (Pôle Écoconception). S’inscrire dans une démarche d’écoconception est une manière de tendre vers cet objectif dans un cadre autonome, plus adaptable et accessible. Tous les projets référencés ne sont pas considérés comme “écoconçus” au sens de la norme, mais comme “inspirants” au sens de l’intérêt de la démarche pour réduire ses impacts à différentes étapes du cycle de vie.

Pourquoi la roue de l’écoconception ?

La roue de Brezet est un outil stratégique couramment utilisé pour construire et analyser une démarche d’écoconception : il s’agit de donner un cadre de pensée autour des impacts en amont, pendant l’usage et en aval d’un projet. Plus précisément : le cercle intérieur définit le cycle de vie du projet ; le cercle extérieur définit les stratégies d’écoconception à chacune de ces étapes du cycle de vie. Pour un axe stratégique, plusieurs actions peuvent être mises en place. Les projets référencés vous en présentent quelques-unes, pour inspiration et partage d’expérience.


Vous trouverez ci-dessous l’évaluation de ce projet selon l’approche Brezet, regroupant les différents critères pris en compte et leur explication pour chaque axe de l’approche.

0. Concevoir ensemble

Mobilisation des métiers

Ateliers collaboratifs sur une période de 3 mois avec l'ensemble de l'équipe pour penser le projet en amont. Ils ont permis de définir et de créer : le périmètre d'observation, des indicateurs de suivi, la méthode de récolte des données et un guide d'accueil pour les citoyen·nes.

Sensibilisation des parties prenantes

Via l'équipe, chaque partie prenante (ex : la médecine du travail, la Direction des ressources humaines et les syndicats,...) a pu être sensibilisée au projet et aux outils de travail mis en place.

Programmation engagée

Par le sujet même des fluides et de ses accès, la programmation artistique a sollicitée des artistes engagé·es dans la sensibilisation du public aux enjeux environnementaux.

Low tech

Toutes les œuvres et installations fonctionnent sans aucun fluide. Celles ayant nécessité de la fabrication ont été réalisées à partir de réemploi et/ou de matière première trouvée sur le territoire francilien.

Temps adapté à l'écoconception

La préparation du projet a duré 1 an (contre 6 mois en moyenne).

Conscience des impacts

La conscience des impacts, au coeur du projet, a guidé en particulier le choix de la provenance des œuvres et l'écoconception de la scénographie. Le fait de faire appel au collectif Les Augures pour observer les impacts tout au long du projet a aussi favorisé leur conscientisation.

Renoncement

- Renoncement aux fluides (eau, électricité, chauffage) ; - Renoncement aux modes de transports très carbonés (avion et bateau) ; - Renoncement au fait de travailler avec une artiste impliquant le transport d’oeuvres depuis la Grèce ; - Renoncement à l'impression d'un livret médiation adulte au profit d'une médiation orale ; - Renoncement à l’utilisation d’appareils électroniques par les intervenant·e·s (pas de vidéoprojecteur), remplacés par l’utilisation de panneaux papier et de velleda ; - Réduction des stories et publications sur les réseaux sociaux sauf pour des annonces ponctuelles liées à l’agenda.

1. Sélection des matériaux ayant le moins d’impact

Matériaux/matériel issus du réemploi ou de la réutilisation

Tous les matériaux nécessaires à la scénographie proviennent de 90% de réemploi : Le bois a été récupéré de chutes du centre d'art et à La Réserve des arts. La terre argileuse pour construire le four de Laurent Tixador provient d'un chantier d'un terrain de foot à Malakoff.

Matériaux issus de ressources renouvelables

Bois : L'Agora d'Olivier Vadrot a dû se construire à partir de bois acheté. Le centre d'art a décidé de passer l'œuvre en investissement, à l'artiste à la fin d'une utilisation de 3 ans.

Matériaux fabriqués localement / Matériel sourcés localement

Le bois provient du bois de Boulogne et la terre argileuse de Malakoff.

2. Réduction de la quantité de matière

Réduction du poids et/ou du volume de matière

Le projet dans son ensemble a été pensé dans une grande sobriété, qui s'est elle-même répercutée sur les quantités de matière.

3. Optimisation des techniques de production

Démontable

L'ensemble de la scénographie a été démontée proprement. Les œuvres déjà produites avant l'exposition ont été restituées aux artistes. La table de borderie du collectif . : les tabourets ont été utilisés à la supérette et les artistes ont réutilisé le bois de la table. Le reste (agora, four, mobilier de médiation sont restés et inclus dans le projet qui découle : "Un centre d'art nourricier 2024 - 2025 - 2026".

Modulaire

Les étagères de la librairie consultative ont été pensées selon un principe modulaire. Il s'agit de simple planches de bois récupérées à la Mairie et qui sont découpés selon la taille de la librairie consultative. Le mobilier de médiation construit par les étudiant.es de l'ENSAD ont également pensé un mobilier qui s'ouvre et se referme selon les envies et le placement dans l'espace de la maison des arts.

Production locale

Le Four de Laurent Tixador (terre argileuse), l'agora, le mobilier de médiation et la table de broderie ont été produits par les artistes eux-mêmes.

4. Optimisation de la logistique

Transport optimisé

Transport groupé et limité. Les œuvres ont été transportées en train (791km), en camion (229,5km) et en voiture (16,5km) pour un total de 11 kg eq.CO2.

Déplacement des artistes optimisé

L'artiste Aëla Mahé Cabel a profité du démontage de son exposition au Salon de Montrouge pour amener ses céramiques (en voiture).

5. Réduction de l’impact environnemental de la phase d’utilisation

Econome en eau

Aucun accès à l'eau n'était possible dans le centre d'art. Des toilettes restaient à disposition avec un seau pour remplir la chasse d'eau : l'équivalent de 1,5 chasses d'eau ont été tirées par jour (une chasse d'eau = 9 litres d'eau). 1500 litres d’eau ont été consommés pendant l’ensemble de l’expérimentation, soit l'équivalent de la consommation d'eau pour la production d'un steak de boeuf.

Econome en énergie

Pendant le temps du projet, très peu d'énergie a été nécessaire. Les règles suivantes étaient appliquées : - pas d'usage d'appareils électriques dans le cadre des actions et événements ; - pas d’usage de projection, son, vidéo, radio, enceinte, smartphone ; - pas de possibilité de chargement de données en ligne; - pas de chauffage ; - pas d’éclairage central dans les salles d'expositions et les toilettes ; - seul l’ascenseur est resté disponible pour les personnes à mobilité réduite et pour les agents d’entretien.

Projet autonome en énergie

Nous avons pu expérimenter l'utilisation d'un four solaire. La cuisson était satisfaisante mais demande trop de temps (il faut mettre à cuire le matin en arrivant pour que le plat soit chaud à midi). Cette expérimentation n'a pas été concluante pour l'ensemble de l'équipe.

Projet à très faible consommation énergétique

Nous avons mis en place, grâce à des outils adaptés, un suivi des consommations sur la durée totale du projet. L'électricité était en fonctionnement 3 heures par jour, avec une consommation journalière moyenne estimée à 4,74kWh/jour. La consommation d'électricité a été divisée par 3 par rapport à l'année précédente. Le chauffage n'a été utilisé dans les bureaux que lors de 5 jours de grand froid.

Projet sans consommable

Mis à part un peu d'eau pour l'arrosage des champignons (oeuvre "Myciculture", d'Anouck Durand-Gasselin), aucun consommable n'a été nécessaire pour le projet.

Sensibilisation des publics aux modes de transports

Un tableau de récolte de données sur les mobilités a été mis à disposition des publics. Il a ensuite permis de mesurer l'impact des déplacements.

Tri dans les espaces publics

Des poubelles de tri (3 flux) et un composteur étaient disponibles dans le parc.

Sensibilisation des publics à notre démarche d'éco-responsabilité

Par la médiation permanente : tous·tes les visiteur·euses ont pu être accompagné·es dans le parcours d'exposition et sensibilisé·es à la démarche d'écoresponsabilité.

6. Optimisation de la durée de vie du projet

Réemploi ou réutilisation anticipés

Toutes les oeuvres ont été récupérées par les artistes.

Réutilisation ou réemploi internes sur plusieurs projets

Certaines parties scénographiques sont réemployées/réutilisées dans le nouveau projet "un centre d'art nourricier" qui s'installe pour 3 ans. La Librairie consultative et le mobilier de l'espace enfant sont également réutilisés/remployés.

Bilan

Bilan d'évaluation du projet

Rapport rédigé par le collectif Les Augures.

Réemploi à l'approvisionnement

80%

Réemploi à la fin du projet

98%

Documents disponibles