
Le grand défi écologique de l'ADEME
Le mot du comité écothèque
La réalisation de ce projet pour Le Grand défi écologique de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) démontre pratiquement et symboliquement qu'il est possible de réaliser des scénographies événementielles d'ampleur en écoconception. Cela en expérimentant plusieurs voies de travail en même temps : réemploi à l’approvisionnement, réemploi en fin de vie, mutualisation de la scénographie pour deux événements consécutifs. Cette réalisation a été rendue possible grâce à la participation de partenaires solides et expérimentés. De multiples acteur·rices ont collaboré et proposé leur expertise en conception, sourcing, production, démontage, à toutes les étapes du cycle de vie.
Publié par Jeanne Koch, camille malherbe, Quentin Rioual, Annabel Vergne le 04/02/2025, mis à jour le 26/05/2025
Domaine artistique
Non renseignéDescription du projet
Le Grand défi écologique de l'ADEME (LGDE) a eu lieu en avril 2024 dans la ville du Havre. Cet événement a proposé des journées d'échanges sur la transition écologique organisées autour d'ateliers de partage, de conférences et de présentations d'innovations. Le studio "Correspondances design" créé par la scénographe Camille Malherbe en a conçu la scénographie, en collaboration étroite avec le RESSAC et la Ressourcerie Culturelle de Montaigu.
Le projet est, en France, la première création et production d'une scénographie de grande échelle issue du réemploi et de la collecte d’anciens décors dépollués et transformés pour ce projet.
La démarche avait pour objectif d'imaginer une scénographie entièrement mutualisée entre deux événements afin d’appliquer les principes de réduction des déchets et de réemploi.
Elle a pensé le recyclage du décor dès sa conception afin d’en adapter la fabrication et s’inscrire au plus juste dans le principe de l’économie circulaire.
La scénographie a été pensée pour être réemployée dès sa création et non à réemployer après sa production, ce qui permet d'amoindrir la quantité de matière jetée et ainsi tendre vers un réel zéro déchet.
Photos
Acteur·rices du projet

Sont mis en avant les membres du Lab qui ont participé à la rédaction de cette fiche, mais l’équipe projet est plus vaste.
Éco-responsabilité du projet
© studio dazd – Augures Lab Scénogrrrraphie, d'après la roue de Brezet & Van Hemel
Qu’est-ce qu’une démarche d’écoconception ?
L’écoconception répond à un cadre strictement défini par une norme et dont l’objectif est “d’obtenir un produit ou un service qui répond à un besoin fonctionnel et dont l’impact environnemental a été réduit de façon significative” (Pôle Écoconception). S’inscrire dans une démarche d’écoconception est une manière de tendre vers cet objectif dans un cadre autonome, plus adaptable et accessible. Tous les projets référencés ne sont pas considérés comme “écoconçus” au sens de la norme, mais comme “inspirants” au sens de l’intérêt de la démarche pour réduire ses impacts à différentes étapes du cycle de vie.
Pourquoi la roue de l’écoconception ?
La roue de Brezet & Van Hemel est un outil stratégique couramment utilisé pour construire et analyser une démarche d’écoconception : il s’agit de donner un cadre de pensée autour des impacts en amont, pendant l’usage et en aval d’un projet. Plus précisément : le cercle intérieur définit le cycle de vie du projet ; le cercle extérieur définit les stratégies d’écoconception à chacune de ces étapes du cycle de vie. Pour un axe stratégique, plusieurs actions peuvent être mises en place. Les projets référencés vous en présentent quelques-unes, pour inspiration et partage d’expérience.
Vous trouverez ci-dessous l’évaluation de ce projet selon l’approche Brezet & Van Hemel, regroupant les différents critères pris en compte et leur explication pour chaque axe de l’approche.
0. Concevoir ensemble
Sensibilisation des parties prenantes
L'Ademe avait intégré dans le cahier des charges l'application du Label LEAD (Label Événement à Ambition Durable) et les 3R (réduction, réemploi, recyclage) dans le projet scénographique. Le Grand Défi Ecologique a reçu le Label LEAD, niveau Argent. La scénographie a joué un rôle majeur pour l'obtention du niveau argent. Le label LEAD permet de qualifier la durabilité d’un événement sur 3 ambitions : - Zéro déchet (supprimer les éléments non nécessaires, limiter des déchets indispensables et revalorisation…) - Bas carbone (minimiser l’empreinte carbone, compenser à hauteur des émissions émises…) - Impact social positif (adapter les accès pour tous, participer à l’insertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi…
Temps adapté à l'écoconception
La période s'est étendue de la mi-juillet 2023 à la mi-avril 2024. En milieu de période de création à l'issue du 2ème mois, la préproduction a commencé avec le lancement de la collecte de matière première. La répartition s'est faite de la manière suivante : - création design : 5 mois - préproduction avant lancement de la fabrication (réalisée en parallèle de la création) : 4 mois - dépollution & fabrication : 4 mois
Renoncement
Renoncement par le client à effectuer des modifications sur le design dès lors que la production du décor était lancée. Renoncement à sélectionner des prestataires de location situés en dehors de la région de réalisation (Normandie)
1. Sélection des matériaux ayant le moins d’impact
Matériaux/matériel issus du réemploi ou de la réutilisation
85% des matériaux de la scénographie issus du réemploi. Sourcing réalisé par la Ressourcerie Culturelle de Montaigu (85000) et le RESSAC : - 1200ml (mètre linéaire) de tasseaux collectés par Artstock sur la Coupe du monde de Rugby et rachetés pour le projet. - 350m2 de châssis collectés par la Ressourcerie du cinéma sur la série TV « Marie Antoinette » et rachetés pour le projet. - 170m2 de dalles HDF stratifiées collectées par Artstock sur la Fashion Week et rachetées pour le projet. - L’ensemble du décor de l'édition 2022 a été démantelé et recyclé pour créer les desks des stands de l’édition 2024.
Matériaux fabriqués localement / Matériel sourcés localement
85% du mobilier a été loué auprès de prestataires locaux en Normandie (principalement au Havre, ville de l'événement). 15% du mobilier restant a été sourcé et acheté sur le marché de l’occasion dans un périmètre proche de la Ressourcerie Culturelle de Montaigu (inférieur à 100km) pour le Grand Défi Citoyen. L’ensemble des plantes a été loué auprès d’un prestataire local. Sélection de plantes de saison uniquement.
2. Réduction de la quantité de matière
Réduction du poids et/ou du volume de matière
En mutualisant la scénographie pour deux événements consécutifs, nous avons pratiquement réduit par deux la quantité de décor produit (soit une réduction d'environ 5 tonnes de matière).
3. Optimisation des techniques de production
Démontable
Les feuilles décor ont été entoilées afin de ne pas peindre directement sur le bois et que celles-ci puissent facilement être réemployées par la suite. En entoilant les feuilles, le temps de dépollution pour retrouver une matière neutre et vierge est réduit.
Modulaire
La structure des stands du Grand Défi Ecologique était composée de tasseaux assemblés via des connecteurs métalliques. Cet assemblage modulaire permet ensuite de pouvoir créer tout type de structure sans dégrader la matière et optimise ainsi son réemploi.
Séparabilité des matériaux
Pas d'usage d'agrafe ni de colle. Utilisation de vis et d'inserts pour un meilleur démontage et séparabilité des matériaux
4. Optimisation de la logistique
Transport optimisé
Utilisation de 2 semi remorques + 1 porteur. Les dimensions de certaines feuilles décor ont été réduites de sorte à pouvoir optimiser le chargement et éviter un 3ème poids lourd.
6. Optimisation de la durée de vie du projet
Réemploi ou réutilisation anticipés
Dès la genèse du projet, l’ensemble des éléments a été pensé pour être collecté par la Ressourcerie Culturelle de Montaigu afin d'être réemployé, réutilisé et/ou recyclé.
Réutilisation ou réemploi internes sur plusieurs projets
- Les feuilles décor ont été dépolluées (retrait des moulures, colle, agrafes, peinture) et seront réemployées pour des décors de différentes structures culturelles en l’état (vente et/ou location par la Ressourcerie Culturelle de Montaigu). - Les tasseaux ont été désassemblés et réemployés sur différents décors. - Le mobilier de seconde main ainsi que les desks sur mesure ont été vendus à des structures culturelles repreneuses et d’autres sont proposés à la location par la Ressourcerie Culturelle de Montaigu.
Bilan
Bilan d'évaluation du projet
Pour le réemploi à l'approvisionnement, 15% des décors n'ont pas pu être réalisés à partir de réemploi faute de délai suffisant pour sourcer la matière à collecter et/ou faute de matériau disponible en réemploi lors de la phase de production (métal).
Pour le réemploi à la fin du projet, 5% des décors n'ont pas pu être réemployés. Il s'agissait de déchets et/ou de sculptures demandées par le client et difficilement réemployables en l'état, car trop spécifiques et dédiées au projet.
Pour sa réalisation, le projet a demandé la mise en place d'un partenariat unique entre la Ressourcerie Culturelle et Correspondances Design (qui a porté la fabrication des décors). Il a été nécessaire de mettre en place des process RH, logistiques et financiers pour que la construction des décors puisse se faire au sein de la Ressourcerie Culturelle de Montaigu qui n'est pas structurée habituellement en tant qu'atelier de construction de décors.
L'événement a eu beaucoup de succès auprès du public. De nombreux invités étaient surpris et ne percevaient pas la part de réemploi du décor car le résultat esthétique était très proche d'une scénographie construite en matériaux neufs.