3. Leviers d'action
Quelles solutions pour éviter ou réduire la toxicité des ignifuges ? La solution la plus radicalement écologique, mais qui peut s’avérer complexe sur le plan de la conception consiste à réemployer des éléments de décors existants, prêtés, donnés ou vendus entre théâtres et compagnies : c’est le partage des ressources. La traçabilité de l’ignifugation, peu aisée, voire impossible dans certains cas, peut rendre cette solution impraticable. Si le partage des ressources pose la contrainte trop conséquente de devoir composer avec des éléments limités pré-déterminés par les stocks accessibles, la solution à privilégier en cas de nouvelles constructions sera l’emploi de matériaux intrinsèquement incombustibles, dans la mesure où ceux-ci se prêtent à l’esthétique du projet. A défaut, on peut aussi choisir des matériaux non inflammables, traités dans la masse à la fabrication. Enfin, lorsque les matériaux nécessaires à la scénographie n’ont pas d’équivalent intrinsèquement ignifugés ou in-inflammables, il faudra étudier au cas par cas les possibilités d’ignifugation en post-production et privilégier les ignifugeants écologiques. Des innovations prometteuses sont en cours d’élaboration.
Circulation et partage des éléments scénographiques
La structuration du secteur culturel en faveur d’une circularité des matériaux et de l’allongement de leur cycle de vie est indéniablement la meilleure alternative à l’ignifugation et à l’accumulation de déchets ignifugés. Le réemploi et la mutualisation sont ainsi des solutions à privilégier. Mais celles-ci rencontrent encore des freins importants.
Prêt
Don
Rachat
Mutualisation
Traçabilité : conditions et perspectives
Comment assurer la validité des PV feu lorsqu’il y a réutilisation ou réemploi, pour éviter une ré-ignifugation des matériaux ?
Le réemploi de matériaux pour un nouvel usage et dans un nouveau contexte impose une règlementation spécifique quant à la certification de leur traitement au feu et induit deux principaux risques et incertitudes :
- Sur leur qualité de réaction au feu au regard de l’absence de documentation ;
- Sur le maintien des performances évaluées dans le cadre de leur nouvel emploi, selon la durée de vie précédente et les éventuelles modifications subies.
Plusieurs enjeux doivent ainsi être pris en compte et différents leviers déployés :
- Centraliser la documentation dès la collecte des éléments à réemployer et adapter un protocole de traitement spécifique dès que cette documentation est accessible ;
- Assurer une transparence des conditions de conservation, stockage et interventions éventuelles grâce à une documentation photographique permettant de rendre compte des différents états de la matière ;
- Mettre en place une logistique spécifique à chaque étape de traitement permettant une segmentation précise des flux de matériaux et un conditionnement, un étiquetage, une signalétique spécifique unique et reconnaissable, un zoning des espaces de stockage ;
- Systématiser une nomenclature commune entre structures permettant de relier une documentation accessible numériquement et un lot physique matériel stocké au sein d’un espace ;
- Certifier un mode de transmission de la documentation, cadré et sécurisé, grâce à une identification précise des usagers et de leurs mises en œuvre entre deux usages de la matière, tout en préservant la propriété intellectuelle des créations et la protection des données personnelles.
Une perspective, répondant à ces différents enjeux, pourrait être la mise en place d’un “passeport matériau” ou “élément”, comme cela existe dans le BTP (cf passeport circulaire d’Upcyclea), qui permettrait de conserver l’historique de sa fabrication et de son ignifugation, et permettrait de garantir au futur acquéreur son origine, son traitement et le mode de construction et de déconstruction de l’élément.
En tant qu’acteur·rices opérationnel·les de la circularité des matériaux, les ressourceries sont des parties prenantes incontournables dans l’élaboration de nouveaux protocoles et modes opératoires permettant d’assurer un suivi et de garantir un état de la matière compatible avec son usage. Par exemple, La Réserve des Arts expérimente et développe de nouveaux outils permettant, à terme, de garantir la validité et systématiser la transmission des documents attestant des propriétés ignifuges des matériaux qui transitent au sein de son entrepôt à Pantin et pour lesquels elle assure la gestion opérationnelle : collecte et démontage éventuel en vue de réemploi, qualification, inventaire et valorisation spécifique, conditionnement en vue de réemploi, stockage, remise en circulation.
En conclusion, les stratégies opérationnelles ne manquent pas pour garantir une conservation des propriétés des matériaux ignifugés, en vue d’un nouvel usage et contraint par une règlementation spécifique. Le déploiement de moyens logistiques et humains, et les coûts liés à celui-ci, constituent toutefois aujourd’hui l’un des principaux freins à leur mise en œuvre.
Éviter les ignifuges
Le choix d’une matière incombustible par nature est une option intéressante si la matière choisie correspond au besoin de la scénographie et est satisfaisante d’un point de vue écologique. Pour le choix du matériau, il s’agira de tenir compte de l’épuisement des ressources, de la toxicité, de l’empreinte carbone de sa fabrication et de son acheminement, et qu’il ne présente pas de risque pour la santé lors de sa mise en œuvre. Par exemple, nous verrons que le choix des matériaux incombustibles ou des matériaux difficilement inflammables (du fait de leur épaisseur) permet parfois d’éviter l’ignifugation tout en tenant compte de la législation.
Les incombustibles
Ils sont classés M0 / Euroclasse A1 : aucun risque d’incendie car ils sont non réactifs au feu par nature et sont souvent inertes, donc moins dangereux pour la santé du fait de leur base minérale ou métallique.
- Les matériaux d’origine minérale
Ils sont généralement classés incombustibles sans essai préalable : brique, plâtre armé de fibres de verre, béton et mortier, vermiculite, amiante, ciment, pierre, ardoise, produits céramiques, verre… Leur inconvénient sera souvent leur poids, leur empreinte carbone ou leur impact sur l’épuisement des ressources abiotiques (pour les minerais et le sable de carrière notamment).
Plus en détail, la pierre est incombustible mais les différences de températures peuvent provoquer fissures et éclatement.
Le béton quant à lui possède un bon comportement au feu en raison de sa forte inertie thermique mais il perd de sa cohésion et résistance à haute température. Il a aussi tendance à s’écailler en surface. Cependant, utilisé en pièce dite massive, la montée en température est lente et suffisante pour satisfaire, sans protection, à l’exigence de durée de tenue au feu.
- Les métaux
Le métal est incombustible - fer, fonte, acier, cuivre, aluminium, zinc, plomb - mais il se déforme avec l’élévation de la température dès 100°C. L’acier, par exemple, se dilate sous l’action du feu et subit un affaiblissement de ses caractéristiques mécaniques, particulièrement marqué à partir de 500°C. À cette même température, la résistance du fer diminue de moitié, à 800°C, elle est nulle et le fer plie sous son propre poids. Le métal est donc peu résistant, voire dangereux structurellement et a besoin d’être “chemisé” (isolé thermiquement).
Les mousses métalliques - titane, nickel, alumunium - sont incombustibles.
- Le verre
Bien qu’incombustible, le verre mince utilisé dans la construction en second œuvre peut éclater sous l’action de la chaleur. Le verre armé possède une excellente résistance au feu, il se fendille mais reste en place jusqu’à sa fusion. Le verre feuilleté à gel intumescent est un verre dont l’intercalaire en résine a la propriété de s’opacifier et de s’épaissir lorsqu’il est en contact avec un incendie en bloquant le rayonnement de chaleur. Ce matériau est cependant assez fragile et difficile à envisager dans des scénographies à cause de son poids et de son transport.
- Certains plastiques
Sont classés incombustibles les plastiques fluorés, polyimides (PI).
Les non inflammables
Ils sont classés M1 / Euroclasses A2 ou B.
Les matériaux ont subi soit un traitement ignifuge, les rendant aptes à être utilisés dans tout contexte même hautement restrictif, soit ce sont des matières plastiques ou composites que leur formulation rend intrinsèquement non inflammables à difficilement inflammables. Les matériaux de ces deux types s’utilisent sans restriction en scénographie.
Exemples : PVC, Polychlorures de Vinyle rigides (PVCr), Polyamides (PA), Polyoxydes de phényle (PPO), certains composites à base de résine ; polyester, coton et bois ignifugés dans la masse.
Les inflammables
Ils sont classés M2 (difficilement inflammables) à M4 (très facilement inflammables) / Euroclasses C à F.
Pour être acceptés dans un ERP, les matériaux ont reçu un traitement qui leur permet d’être utilisés dans certaines conditions, selon les normes en vigueur : en fonction du type d’ERP et de leur destination (œuvre, accessoire, mobilier ou élément de scénographie).
À retenir : de nombreux plastiques ont un comportement au feu très variable et dégagent des fumées plus ou moins toxiques lorsqu’ils sont au contact d’une flamme. Un grand nombre est inflammable : les polyéthylènes (PE), polypropylènes (PP), polychlorures de vinyle souples (PVCs), styrènes acrylonitriles (SAN), acrylonitriles butadènes styrènes (ABS), polyméthacrylates de méthyle (PMMA), polyacétals (POM), polyuréthanes (PUR) et cellulosiques.
Exemples : moquettes murales, panneaux de particules, moquette, revêtement sol caoutchouc, papier, polypropylène, fibres naturelles…
Détails par matière
Bois
→ Le bois est combustible. Son inflammation se produit généralement entre 330 et 360°C.
Le comportement du bois au feu dépend de son essence, de ses dimensions et de son taux d'humidité.
- Les bois durs et denses (hêtre et chêne) s'enflamment plus difficilement que les bois tendres (peuplier et sapin).
- Les bois de faible épaisseur (14 mm) sont plus inflammables que les bois épais, moyennement inflammables.
- Le bois utilisé en structure est résistant au feu, il garde longtemps ses caractéristiques mécaniques.
- La stabilité au feu des lamellés-collés en gros œuvre est très bonne. La vitesse de combustion ou "front de carbonisation" est de 1cm par face et par quart d'heure pour le bois massif et lamellé. Elle est de 1,5 cm pour les panneaux bois.
- La faiblesse des structures bois est souvent liée à ses "connecteurs" (attaches) métalliques qu'il faut protéger thermiquement.
→ Il y a plusieurs façons d'obtenir la résistance au feu requise pour les structures en bois :
- en augmentant la section et/ou l'épaisseur du bois ;
- en ajoutant un revêtement de protection ;
- en utilisant un matériau isolant incombustible ;
- en utilisant un traitement ignifuge.
→ Épaisseur du bois et classement de réaction au feu (classement M - NF P 92507)
Pour le bois massif, le classement de réaction au feu est en général M3 pour une épaisseur supérieure à 14 mm et M4 pour une épaisseur inférieure à 14 mm. L'Euroclasse est D-s2,d0. On trouve les fiches techniques pour de très nombreuses essences de bois sur le site du CIRAD : Le référencement est indiqué sous "Réaction au feu" et dépendra de l'épaisseur du bois.
-
Bois massif non résineux
- ≥14 mm : M3
- < 14mm : M4
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Bois massif résineux
- ≥18 mm : M3
- < 18mm : M4
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Panneaux dérivés du bois (contreplaqués, lattés, particules, fibres)
- ≥18 mm : M3
- <18mm : M4
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Parquets en bois massif collés
- ≥6 mm avant ponçage : M3
- < 6mm avant ponçage : M4
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Les plaques de stratifiés décoratifs haute pression NF EN 438-2
- < 1,5 mm : M3
Les classements ci-dessus ne sont pas modifiés en cas de placage bois d'une épaisseur ≤ 0,5 mm, ni par tout autre revêtement dont le dégagement calorifique surfacique ne dépasse pas 4,18MJ/m².
→ Épaisseur du bois et classement de réaction au feu (classement Euroclasse)
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Panneaux de particules EN 312, densité 600kg/m3
- épaisseur minimale 9 mm : D-s2,d0
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Contreplaqué EN 636, densité 400kg/m3
- épaisseur 9mm à 12mm : D-s2,d0
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Panneau de bois massif EN 13353, densité 400 kg/m3
- épaisseur 9 mm : D-s2,d0
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Panneau OSB EN 300, densité 600 kg/m3
- épaisseur 18 mm : D-s2,d0
→ Sources
Les produits ignifuges pour le bois, GTFI
Protection contre l'incendie du bois, NordTreat
Tropix 7 - principales caractéristiques technologiques de 245 essences forestières tropicales, CIRAD
Revêtement de sol
La résistance au feu des revêtements de sol dans un ERP est primordiale. En cas d'incendie, plus le feu se propage lentement, plus les occupant·es ont de chance de s'en sortir sain·es et sauf·ves. Pour optimiser la sécurité, de nombreuses moquettes sont donc traitées avec des retardateurs de flamme.
Un exemple de revêtement de sol difficilement inflammable est le revêtement Nora en caoutchouc qui est difficilement inflammable comme l'exige la norme EN 13 501 et inoffensif du point de vue de la toxicologie des flammes selon la norme allemande DIN 53 436.
→ Sources
Papier peint
Par arrêté du 21 novembre 2002 (JO du 15.02.03), relatif à la réaction au feu des produits de construction et d'aménagement, il est décidé que les papiers peints 100 % cellulosiques et les vinyles sur support papier M0 non isolant, d'un poids inférieur à 200 g/m2, sont classés M1. En principe, les autres revêtements souples sont au plus classés M2.
→ Source : Legifrance
Carton
Carton alvéolaire de 3 ou 30 mm : Il est possible de le traiter chimiquement pour le rendre M1.
→ Source : Carton Plein, ProtecFlamTextiles
Les textiles sont en général inflammables. Certaines fibres textiles sont naturellement ininflammables (fibre de verre, fibre aramide). D'autres sont plus ou moins inflammables (polyamide, polyester) ou très inflammables (coton, viscose, chanvre, acrylique).
- Il est possible d'améliorer le comportement au feu de certaines fibres, par l'incorporation d'additifs dans la masse (polyester, viscose). Dans ce cas, le traitement sera résistant aux intempéries et aux lavages.
- En application par foulardage + séchage + polymérisation, le tissu passe en continu dans un bac rempli de la solution ignifuge en l'essorant entre deux rouleaux maintenus l'un contre l'autre par une pression mesurée. Cette technique permet de déposer une quantité déterminée de produit ignifuge. Le séchage est effectué en continu à la suite du foulardage à des températures comprises entre 120° et 160° suivant les produits ignifuges utilisés. Le traitement pourra alors être ou ne pas être résistant aux intempéries et/ou au lavage selon le mode de fixation du produit sur le textile. La durabilité du traitement ignifuge est fonction de l'étiquetage précisant les conditions de lavage de l'article, les conditions d'utilisation envisagées et les exigences de lavage et de nettoyage.
- On peut aussi appliquer un produit ignifugeant pour textile en spray. Dans ce cas, il faut se référer aux indications du fabricant pour l'application et à la FDS pour la toxicité.
→ Fibres naturelles
Laine : cette fibre est classée M2 ou M3. Elle cesse de brûler une fois que la source d'inflammation est retirée. Les tissus en fibres animales (laine et soie) brûlent lentement et sont naturellement auto-extinguibles.
Coton : cette fibre est classé M4. Les textiles en coton pour le spectacle et l'événementiel bénéficient en général d'un traitement ignifugeant qui les ramène à un classement M1. Sans cela, les textiles en fibres végétales brûlent rapidement.
→ Fibres synthétiques
Les textiles synthétiques et mélangées sont, comme les plastiques, plus ou moins inflammables. Certaines fondent en gouttage brûlant (polyester, polyamide, acrylique), d'autres dégagent des fumées toxiques comme le cyanure d'hydrogène ou l'oxyde de carbone. Quelques fibres synthétiques sont ignifugées dans la masse : Trévira, Rhovyl4. Le classement d'ininflammabilité est alors permanent.
Acrylique, nylon, polyester : ces fibres classées M3 ont tendance à fondre et à dégoutter en s'éteignant parfois toutes seules lorsque la source d'inflammation est retirée.
Acétate, rayonne : ces fibres classées M4 s'enflamment facilement et brûlent rapidement en produisant des cendres légères.
→ Source : Produits ignifuges et non inflammables, Officiel Prévention
Carton pierre
Le carton pierre est un matériau ancien (mentionné à partir de 1806) utilisé à l'origine pour des éléments de décors en relief, comme les moulures au plafond. Composé d'une base de pâte à papier à laquelle on rajoute du blanc de Meudon et une faible proportion d'argile, variable selon la recette. De l'huile de lin peut être adjointe pour l'imperméabilité. Une feuille de carton armée d'étoupe posée au verso ferme le système.
→ Source : Carton Pierre, Atelier Doffard
Liège
Le liège peut supporter des températures allant jusqu'à 120 °C. La combustion lente du liège en fait un retardateur de flamme naturel, créant une barrière coupe-feu. Sa combustion ne dégage ni fumée ni gaz toxique. En règle générale, des plaques de liège, en raison de leur inertie thermique élevée, sont plus ou moins M2. De plus, les panneaux en liège expansé bénéficient souvent d'un traitement ignifuge par vernis avant d'être mis en vente. Il faut prendre garde aux additifs ayant servi à fabriquer les panneaux, dalles, plaques ou même les granulés de liège. Ceux-ci peuvent être inflammables et donc rendre le liège sensible à la chaleur intense. Mieux vaut vérifier l'étiquette ou demander quelques précisions sur les méthodes de fabrication avant d'acheter du liège pour sa résistance au feu.
→ Sources
Composites et polymères "écologiques"
Les matériaux composites conçus pour être non inflammables (M1) ou inflammables (M2 à M4), peuvent être formulés avec des composés moins toxiques. Cela peut inclure des combinaisons de fibres naturelles et de résines biosourcées (aussi appelées polymères biosourcés ou plastiques végétaux). Le plus connu est le PLA fait à partir de sucre ou d'amidon de maïs.
Points clés
Normes ERP
FDS
À confronter
Ce n'est qu'en confrontant les contraintes propres à votre ERP et les données fabricant figurant dans la FDS que vous saurez de manière précise et sûre si la matière est utilisable avec ou sans ignifugation dans votre contexte.
Alternatives d’ignifugation
Pour rappel, l’ignifugation est le processus pour rendre incombustible (ou moins combustible) un matériau naturellement inflammable. Nous avons identifié trois techniques d’ignifugation plus écoresponsables : principalement par imprégnation ou vaporisation d’une solution ignifuge écologique, également par traitement thermique ou par revêtement pour quelques cas très spécifiques.
Les ignifuges écologiques
Nous préconisons d’ignifuger un élément nécessitant un traitement au feu avec un ignifuge écologique non toxique. Dans les ateliers de décors de la Comédie Française à Sarcelles, nous avons testé plusieurs produits semblant répondre à ces critères et nous en avons sélectionné trois qui nous semblent intéressants à référencer : Tuchler Ecogard Cell pour bois et matériaux absorbants ; Burnblock Liquid pour bois et matériaux absorbants ; Galtane Wood Bliss pour bois uniquement.
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Sur la dimension écologique
Nous nous en tenons aux informations de non-toxicité fournies sur les fiches techniques des fabricants, mais la composition et fabrication des produits ignifuges ne sont généralement pas divulguées. Ainsi, il est difficile de déterminer avec précision leur qualité "écologique", les critères pour en juger pouvant être très divers : produit biosourcé, sans effet avéré sur la santé ou encore ayant une production à faible impact environnemental.
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Sur la dimension ignifuge
On trouve plusieurs normes qui certifient l'efficacité d'un ignifugeant, notamment : la norme NF P92, qui est la norme nationale française ; et la norme NFPA 701, qui est la norme internationale, reconnue partout dans le monde.
Source : Article Annexe 2 - Arrêté du 21 novembre 2002 relatif à la réaction au feu des produits de construction et d'aménagement (Legifrance, consulté le 25/07/2023)
En France, le seul produit écologique identifié ayant obtenu la norme internationale NFPA 701 est l'ignifugeant de Ferber Painting, certifié par le laboratoire SGS en 2019, non testé à ce jour par le Lab.
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Conclusions des tests
En conclusion, l'absence de PV visé par une autorité française pour les trois produits ne permet pas, jusqu'alors, leur usage dans le cadre de la fabrication et l'exploitation des spectacles sur la scène de la Comédie-Française. Néanmoins, la présence d'un PV allemand pour le Woodbliss est en cours d'analyse pour vérifier sa conformité sur le territoire français. Le Burnblock et l'Ecogard doivent être soumis à un laboratoire comme le CSTB pour validation.
D'un point de vue application, les trois produits pourraient être utilisés car ils semblent être appropriés aux supports bois et matériaux absorbants. La vaporisation de l'Ecogard et du Burnblock est un peu moins aisée que les ignifuges courants mais le temps de séchage de 6 heures entre chacune des trois couches du Woodbliss est une contrainte temporelle non négligeable.
Détails des tests
→ Tuchler Ecogard Cell
Certification européenne : EN 13501-1
Réaction au feu : Non inflammable (B1 selon la norme allemande DIN4102).
En attente d’information pour l’EN 13501-1
Toxicité : “ECOGARD ® Cell is halogen-free and is therefore particularly environmentally friendly” (source selon le site web du fabricant)
EPI : lunettes, blouse et gants de protection
Traitement par vaporisation : humidifier le matériau uniformément jusqu'à ce qu'il soit saturé et s'arrêter avant qu'il ne commence à s'égoutter. Laissez ensuite le matériau sécher complètement (moins de 12h). Une seule couche.
PV de réaction au feu à faire réaliser auprès d’un laboratoire agréé.
- Résultat des tests en atelier
Résistance à l'eau : non
Impression générale : A l’ouverture et pendant l’utIlisation, les deux produits dégagent une odeur. L’odeur de l’Ecogard est âcre, type amande amère, on a la sensaIon qu’un solvant s’évapore à l’ouverture du bidon. L’odeur de la solution ignifugeante Décor Plus est moins forte mais plus irritante à l’uIlisaIon (gorge sèche), on sent la présence des sels d’ignifuge.
Comparatif des ignifuges ECOGARD et DÉCOR PLUS
Atelier de décors de la Comédie Française 2023
→ Burnblock Liquid
Certification : EN 13501
Réaction au feu : B-S1-d0
Toxicité : non toxique selon le fabricant
EPI : Lunettes de protection
Traitement par vaporisation : pulvériser uniformément jusqu’à ce que le matériau à traiter soit entièrement humide. Laisser sécher.
PV de réaction au feu à faire réaliser auprès d’un laboratoire agréé.
- Résultat des tests en atelier
Résistance à l'eau : non
La stagnation a créé une zone blanchâtre.
Légère teinte du bois brut.
Burnblock est très facile à appliquer par pulvérisation sur la surface absorbante. Il doit être pulvérisé uniformément jusqu’à ce que le support soit entièrement humide.
Atelier de décors de la Comédie Française 2023
→ Galtane Wood Bliss 4050 + Wood Bliss High-C 4055
Certification : EN 13501-1
Réaction au feu : B-S1-d0
Toxicité : non toxique
Avantages pour la santé et l'environnement selon son fabricant.
Le Wood Bliss® est un traitement naturel, non toxique des bois attaqués. Il ne contient pas de composants toxicologiques douteux (comme le confirment le bureau d’ingénieurs Zörner et le laboratoire Lafu : analyse chimique et microbiologique, qui travaillent pour des entreprises indépendantes et neutres). Le Wood Bliss® de Galtane assure un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement (voir composition du Wood Bliss®). Avec le Wood Bliss®, Galtane participe à lutter contre la destruction des écosystèmes. Pour créer des atmosphères saines dans le bâtiment, la nature travaille avec nous et nous travaillons avec elle. Galtane soutien des modèles économiques régénérateurs. (extrait infos fabricant)
EPI : Gants et lunettes de protection
Mode d'emploi fabricant : Agiter le produit avant et pendant utilisation. Appliquer à intervalle de 12h à la brosse ou au rouleau, si nécessaire par injection au pistolet (pression 50 à 60 bar). Ne pas appliquer sous 5°C. Ne pas coller les pièces de bois traitées entre elles. Imprégnez toutes les surfaces du bois, y compris les coupes (pas de rabotage après traitement).
Application avec brosse ou rouleau : 3 couches avec 12h de séchage entre chaque couche. Nettoyage des brosses ou des rouleaux à l'eau.
- Protocole des tests en atelier
Pour du CP 3 mm, 8 mm et 18 mm
1 couche de Woodbliss 4050 au pinceau - Attente 6h réalisée
(pour 12h recommandée par le fabricant)
1ère couche de Woodbliss High-C 4055 au pinceau - Attente 6h réalisée
(pour 12h recommandée par le fabricant)
2ème couche de Woodbliss High-C 4055 au pinceau - Attente 6h réalisée
(pour 12h recommandée par le fabricant)
En attente d’un PV feu fabricant reconnu en France.
- Résultats des tests
Résistance à l'eau : oui
Pas de gêne olfactive ou dermatologique à l'application. Aspect brillant après séchage.
Pas de déformation du bois différente qu'avec l'acryfuge de Décor Plus quand application sur 1 seule face
Temps de mise en œuvre 3 fois plus long que l'acryfuge de Décor Plus
Changement de la teinte du bois
Source : Traiter sainement les bois attaqués : Wood Bliss® - fabricant - (2023) | Galtane
En cas de finition pour les bois exposés à la vue : égrenez la couche cristalline. Après quelques mois la couleur du bois s’éclaircira complètement. Les résineux resteront très clairs. On observe une forte brillance du produit une fois sec.

Journée Atelierrrr du 13 novembre 2023 - Joseph Lapostolle, chef décorateur adjoint, Comédie Française, présente le Burnblock Liquid à vaporiser
© Béryl Libault
FDS des produits testés
Ecogard Cell
Burnblock liquid - solution incolore pour textiles
Décor Plus - Solution incolore pour textiles
FDS Wood Bliss 4050
Galtane Wood Bliss 4055
Ignifuger par brûlage
Le traitement thermique, c’est-à-dire par “brûlage”, de certains matériaux comme le bois peut améliorer leur résistance au feu. Ce processus implique l'utilisation de la chaleur pour modifier la structure du matériau et le rendre moins inflammable. Attention, il faut veiller néanmoins à consulter les fiches techniques des fabricants pour voir le classement au feu après traitement : le matériau ne devient pas “magiquement” M1 après traitement et selon les fabricants les résultats peuvent être très différents. Il faut en général un traitement supplémentaire, comme une huile ou une lazure, propre à chaque fabricant, permettant d’obtenir différents niveaux de certification.
Un exemple de traitement thermique traditionnel est le Shou Sugi Ban du Japon, également appelé Yakisugi : une méthode ancestrale de préservation du bois. Le terme japonais « Yakisugi » se traduit en français par « brûlage » (Yaki) et « cèdre du Japon » (Sugi), qui est le nom usuel de l’espèce « Cryptomeria japonica ».
L’appellation même de cette technique impose donc une essence de bois bien précise. Elle consiste à brûler profondément la surface d’une planche de cèdre japonais. Résultat : un parement en bois naturel, moderne et durable, qui se pose aussi bien en intérieur qu’en extérieur. Cet exemple peut servir de source d’inspiration pour identifier un matériau aux propriétés similaires sur un territoire plus proche et envisageable pour un usage scénographique.
Source : Qu'est-ce que le Shou Sugi Ban ?
La technique exacte de brûlage est un secret bien gardé par chaque fabricant – mais voici ce que nous pouvons vous révéler : pendant plusieurs minutes, les lames sont soumises à des températures comprises en 600 et 800 °C, sur la face opposée au cœur de l’arbre, côté écorce. L’efficacité de cette étape de brûlage dépend de la bonne orientation de la lame. Brûler la surface d’une lame avec un chalumeau ne fait pas du Shou Sugi Ban ! Si l’effet esthétique reste similaire, la répartition inégale de la chaleur ne permet pourtant pas d’assurer une couche carbonée homogène – et donc de protéger le bois.
Façade réalisé par traitement thermique Shou Sugi Ban
Lames de bois soumises à des températures comprises entre 600 et 800 °C
Ignifuger par amidonnage
L'amidonnage, procédé utilisé pour augmenter la rigidité des tissus remonte au XVIe siècle, alors utilisé pour les cols et volants. L'amidon, retardateur de flamme naturel, peut être ajouté lors du lavage ou appliqué directement sur le tissu sec avant le repassage. Il est une alternative à l’usage du papier sur un plateau de théâtre car le papier est souvent très complexe à ignifuger sans en changer son aspect.
Les équipes de l’Opéra national du Rhin ont par exemple utilisé cette technique ancienne en enduisant un textile pour simuler l’aspect d’un papier froissé dans une scénographie. Ce procédé a permis d’imiter un papier avec un tissu léger peint et enduit d’amidon sur l’opéra Lakmé de Léo Delibes, mis en scène par Laurent Pelly, dans une scénographie de Camille Dugas (2023).

Textile amidonné - Opéra national du Rhin - Scénographie de Camille Dugas - Recherche technique : Thierry Vix, responsable des ateliers de décors
© Opéra du Rhin
Ignifuger par intumescence
Les intumescents sont des produits thermoplastiques qui gonflent sous l'action de la chaleur pour former une mousse microporeuse isolante appelée « meringue ». Elle protège les supports des flammes, limite la propagation de l'incendie et retarde l'élévation de la température des matériaux. Les matériaux intumescents écologiques sont des revêtements qui utilisent des composants moins toxiques et plus respectueux de l'environnement pour créer cette barrière isolante en gonflant lorsqu'ils sont exposés à la chaleur.
Pour aller plus loin :
Voir la réaction du Gonflement d'une peinture intumescente sous l’effet d’une flamme
Télécharger le dossier GIFTI - PROTECTION PASSIVE INCENDIE DES STRUCTURES
Prospective et innovation
L’hydroxyde double lamellaire
Le projet ECOFIRE-NANO (New generation of eco-benign multifunctional layered double hydroxide (LDH)- based fire retardant and nanocomposites), financé par l'Union Européenne, a été mis en place pour mettre au point une nouvelle génération d'ignifuges biologiques à base d'Hydroxyde Double Lamellaire (HDL) et dotés de bonnes propriétés anti-UV. Les chercheur·ses ont utilisé pour cela une conception moléculaire innovante, une synthèse sophistiquée et un assemblage intelligent.
Ce produit ignifuge multifonctionnel intègre les avantages des ignifuges inorganiques, intumescents et réactifs. En évitant les inconvénients des ignifuges traditionnels, les chercheur·ses ont apporté de nouvelles fonctionnalités aux matériaux polymères et amélioré leurs propriétés ignifuges. Ces résultats ouvrent la voie à l'élaboration de produits ignifuges à base de HDL pour les polymères. Ils devraient ainsi inaugurer l'utilisation industrielle de polymères ignifuges assurant une meilleure sécurité contre le feu et mieux protégés contre les UV.
Cette recherche s'est tenue sur 4 ans de 2012 à 2016 et est actuellement clôturée. Elle a été pilotée par la Fundacion IMDEA Materiales en Espagne.
→ Source : Un nouvel ignifuge biologique à usage industriel, Commission européenne
Les tannins de châtaignier
À l'IMT Mines Alès, Laurent Ferry et Anne Bergeret, chercheur·ses en matériaux polymères, travaillent sur des alternatives à base de fibres végétales et de tannins. « Nous travaillons notamment sur des sous-produits de végétaux dont nous allons minimiser la transformation » indique Laurent Ferry. Parmi les composés d'origine végétale, iels se sont intéressés aux tannins de châtaigniers. Les tannins sont des molécules polyphénoliques. Anne Bergeret indique que « lorsqu'ils brûlent, les composés polyphénoliques forment du char : une couche charbonnée qui limite l'entrée en contact du matériau avec l'air ». De cette façon, l'oxygène est moins disponible pour alimenter la combustion qui sera ainsi modérée.
Les fibres végétales aux propriétés ignifugeantes peuvent être utilisées pour fabriquer des biocomposites : des matériaux légers qui allient résine et fibres végétales. Dans un premier temps « du tannin est appliqué sur des fibres végétales pour améliorer leurs propriétés au feu » explique Anne Bergeret. Ces mêmes fibres sont ensuite incorporées dans une résine qui va servir de liant pour produire le bio-composite, à la fois léger et ignifugé.
L'efficacité des retardateurs de flammes se joue à l'échelle nanoscopique. Pour améliorer la performance des retardateurs de flammes, des particules minérales de très petite taille peuvent être incorporées dans la résine. « Plus on réduit la taille des particules minérales incorporées, plus la propagation de la flamme va être réduite » indique la chercheuse.
Cette recherche a abouti dans une application locale, liée à une commande, mais n'a pas été répliquée de façon large. La difficulté pour une mise en application industrielle est de pouvoir bénéficier d'une ressource stable et non conditionnée aux saisons par exemple. En effet, on peut comprendre que les industriels ne peuvent prendre le risque financier de changer leurs outils et d'investir dans de nouveaux modes de production sans l'assurance d'un approvisionnement pérenne des matières premières naturelles. C'est ce qui en fait un frein aujourd'hui pour mettre en place des modes de fabrication plus écologiques pour les polymères biosourcés.
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Entretien avec Laurent Ferry
Biocomposites ignifugés : entre légèreté et résistance au feu, I'MTech
Podcast "Des matériaux ignifugés grâce aux plantes", La Minute I'MTech
La Lithosynthèse ©
Minéalithe est titulaire du brevet "procédé pour fabriquer un matériau minéral solide" et vient de recevoir le Grand Prix 2023 du réemploi du Geste d'or, lors du Salon du Patrimoine.
Ce procédé s'obtient par chimie douce. Il consiste en un « inducteur » bi-composant constitué de différents minéraux dissous, pris dans leur état naturel (sans calcination) qui peut être utilisé seul pour des enduits minces. L'adjonction de charges variées (fibres, pierre, ardoise, métaux...) donne après solidification à température et pression ambiante, des matériaux économiques aux caractéristiques physico-chimiques très performantes (résistant, inerte, vitrifié, etc.).
La mise en œuvre est simple, largement accessible et offre une large variété de combinaisons et d'applications. Cette technologie requiert un apport en énergie extrêmement faible et s'avère avoir une empreinte environnementale très peu impactante.
Le produit Minéalithe ouvre une piste de produit ignifuge écologique en étant appliqué en couche très fine, car il devient pierre et donc a priori incombustible, réfractaire et cryogénique.
Après une démonstration des propriétés prometteuses de ce produit pendant l'Atelierrrr du 13 novembre 2023, la prochaine étape est de poursuivre la recherche-action avec Minéalithe pour valider cette hypothèse et créer, grâce à ce procédé, un ignifuge certifié, totalement écologique, naturel et compostable, et dont la mise en œuvre se passe d'énergie.
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Entretiens avec l'équipe de Minéalithe
Lors de la journée de restitution du sujet de recherche-action "Ignifugation et Alternatives", François Wandendries, inventeur du procédé et président de Minéalithe®, et Frédéric Duca, directeur technique, ont présenté leur procédé de chimie douce. Nous avons eu le privilège d'assister en direct dans l'atelier à une fabrication du bi-composant. Ce procédé nous semble exploitable avec quelques ajustements à l'ignifugation des décors. Les tests au feu sont plus que prometteurs…