4. Optimisation de l'usage et de la fin de vie

Le système linéaire acheter, utiliser, jeter qui a été longtemps le modèle d’usage des conditionnements est aujourd’hui obsolète. Chaque acteur·rice de la conservation du patrimoine se doit aujourd’hui de participer activement à la lutte contre le gaspillage, la réduction des déchets, en intégrant dès l’achat la prolongation de la durée de vie des matériaux mais aussi les issues de cette utilisation : la réutilisation ou le recyclage. Les pistes évoquées ici répondent aux deux derniers grands axes de la roue de Brezet & Van Hemel : l’optimisation de la durée d’usage (stocker, entretenir, réparer, réemployer, donner) et la gestion de fin de vie lorsque le conditionnement devient déchet (réutiliser, upcycler, recycler).

Au début nous pensions que trouver des néo-matériaux nous aiderait à rendre nos pratiques plus durables, que la solution serait dans de nouveaux produits. Mais plus la recherche a avancé, plus nous nous sommes rendu·es compte de tous les autres facteurs en jeu pour réduire notre impact : utiliser des matériaux similaires mais recyclés, s’assurer qu’ils puissent être réemployés, etc.

Alexandra Gent, conservatrice à la National Portrait Gallery de Londres et membre du UK Museums and Heritage Sustainable Packing Group (réseau créé en 2022)

Bien stocker

Peu d'institutions bénéficient d'espaces de stockage : seulement la moitié des personnes ayant répondu à l'enquête de l'AFROA/APREVU/FFCR disent avoir des espaces de stockage pour du conditionnement. La principale difficulté vient des conditionnements 3D réutilisables qui demandent un volume de stockage non négligeable. Dans la pratique, on constate que les institutions dont les collections volumineuses ou pondéreuses sont les plus "mobiles" font bien souvent le choix de stocker en conditionnement pour ne pas renouveler la manutention (gain de temps, d'espace et de matériau, réduction du risque lié aux manipulations), en compensant si possible sur le renouvellement d'air, la veille et la qualité des matériaux, mais au détriment de la visibilité.

Afin de pallier au problème de place au sein même de l'institution, il est possible de demander un stockage dans un dépôt de transporteur à sa charge ou bien à la charge du musée emprunteur dès lors qu'on a suffisamment de visibilité sur les prêts engagés.


Les matériaux de conservation stockés en attente d'utilisation ou de réutilisation doivent bénéficier de conditions de stockage adéquates reposant sur 3 grands principes :

  • à l'abri de la chaleur ;
  • à l'abri de la lumière et des UV ;
  • dans un espace propre et ventilé, sans excès d'humidité.

Ces locaux de stockage dédiés aux matériaux de conditionnement nécessitent un suivi et un entretien régulier.

L'emploi de matériaux biosourcés peut requérir des précautions particulières, une vigilance accrue est notamment nécessaire pour anticiper les risques d'infestations ou de dégradation des matériaux.


Les espaces aménagés pour le stockage des caisses et des matériaux de conditionnement doivent être organisés et gérés par les équipes de régie et de conservation pour garantir le suivi et la bonne utilisation.

Comme en réserve, les mobiliers de stockage des matériaux de conditionnement doivent faire l'objet d'un étiquetage précis (matériau, dimensions, éventuellement propriétés et usages), favorisant leur réutilisation.

Afin de faciliter la manipulation et la visibilité des conditionnements, il est conseillé de les ranger dans des racks permettant aussi d'optimiser l'espace en utilisant la totalité de la hauteur sous plafond.

Les matériaux doivent être identifiés, leurs dimensions connues. Une gestion de stock doit être établie car sans elle, la réutilisation ne peut être que ponctuelle.

Un·e responsable/référent·e doit veiller à l'état sanitaire de l'espace de stockage et vérifier régulièrement, au moins annuellement, à l'état des matériaux de conditionnement (empoussièrement, intégrité, matériaux non poisseux - signe de dégradation du plastique...).


Un·e responsable de la gestion des consommables doit être identifié·e, avec pour mission la tenue d'un inventaire, l'élaboration de fiches de suivi et d'entretien.

La liste des conditionnements vides doit être mise à jour dans un fichier partagé type tableur Excel et/ou via la base de données des oeuvres.

Deux exemples d'outils numériques développés en interne pour faciliter cette gestion :

  • Le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac a développé une application facilitant la gestion quotidienne des caisses vides pour les expositions itinérantes "clés en main / hors les murs" ;
  • Le Musée Picasso dispose également depuis 2021 d'une application simple d'utilisation via Power Apps, accessible à l'ensemble de l'équipe de régie et permettant une mise à jour en temps réel des données relatives aux caisses existantes (vides, pleines...). Cet outil offre un gain de temps et permet d'éviter les pertes de caisses inutilisables grâce à une saisie directe.

Un outil de gestion peut aussi être un appui en vue de dynamiques de mutualisation, comme l'envisage au Canada le Museum of Vancouver avec son projet SAGE - Sustainable Arts & Green Ecosystems : le musée a pour objectif de créer d'ici 2025 un système de gestion des inventaires en ligne, couplé avec une réserve physique, en vue de pouvoir mutualiser des matériaux en réemploi entre institutions culturelles.


Pour les utilisations de temps long ou le stockage de temps long, il est nécessaire de surveiller l'état des conditionnements.

Les conditionnements plastiques, réputés stables, ont une durée de vie qui demeure limitée. Ainsi, un bac en plastique est réputé avoir une durée de vie de 10 à 30 ans, une bâche de 10 à 20 ans, lorsqu'elle est conservée dans de bonnes conditions.

Source : J. Tétreault, Polluants dans les musées et les archives : évaluation des risques, stratégies de contrôle et gestion de la préservation, Institut canadien de conservation, 2003.


Le stockage des matériaux nécessite de la place. Afin d'éviter une surcharge des espaces de stockage matériaux, on peut utiliser une grille d'aide à la décision stocker/jeter, qui peut suivre le modèle ci-dessous mais doit être réadaptée à chaque situation.

Lorsque le stockage n'est plus pertinent ou plus possible, il faut envisager de se débarrasser des matériaux de manière raisonnée, c'est-à-dire optimiser leur fin de vie (voir parties suivantes : réutiliser, upcycler, recycler).

Pour aider à l'optimisation et à la réorganisation des zones de stockage, un outil de pilotage intéressant est le projet Re-Org de l'ICCROM. Partant des résultats d'une étude internationale menée avec l'UNESCO montrant que jusqu'à 60 % des collections conservées dans les réserves de musée souffrent d'une mauvaise gestion, d'un manque d'entretien, d'espace ou de protection adéquats, la méthode RE-ORG propose une approche par étapes pour guider le processus de planification et de réorganisation des espaces de réserve existants en mettant l'accent sur une utilisation créative, et en toute sécurité, des ressources disponibles. La méthode RE-ORG comporte quatre phases de travail : créer en amont les meilleures conditions possibles de réoorganisation, analyser l'état des réserves, élaborer un plan d'actions, mettre en œuvre le projet.

De nombreuses ressources (webinaires, infographies, outil d'auto-évaluation, etc.) sont disponibles sur le site de l'ICCROM. En complément, l'Institut canadien de conservation (ICC) dispose d'études de cas concrets de projets Re-Org mis en place par des musées canadiens. En France, l'Institut National du Patrimoine propose une formation à la méthode Re-Org, coordonnée par Gaël de Guichen, conseiller spécial du directeur général de l'ICCROM.


Entretenir & réparer

En vue de pouvoir réemployer un matériau de conditionnement et donc allonger sa durée vie, il est nécessaire d'en prendre soin, c'est-à-dire de veiller à sa maintenance régulière. Il est évidemment beaucoup plus difficile de réemployer un matériau si celui-ci est endommagé, voire impossible pour le même usage s'il a perdu ses propriétés.

Il n'existe pas réellement de protocoles d'entretien et de maintenance. Les expérimentations menées par les institutions dans ce domaine doivent pouvoir être partagées, diffusées, critiquées. La détermination de seuils de réparabilité, tant pour les matériaux individuels que pour les conditionnements assemblés serait utile. Elle n'existe pas aujourd'hui et pourrait constituer un axe intéressant de recherche-action.

Pour changer de regard sur cette thématique, la lecture de l'ouvrage Le soin des choses : Politiques de la maintenance, par les sociologues Jérôme Denis et David Pontille, est particulièrement éclairante. Leur postulat : que ce soit pour une œuvre ou un lave-linge, la maintenance, définie comme l'art de prendre soin des choses et de les faire durer, est une pratique essentielle. Elle est faite de petits gestes quotidiens et invisibles, d'attentions portées par des personnes aux savoir-faire spécifiques, permettant d'éviter des interventions drastiques, elle est pourtant souvent négligée et reléguée au second plan. Elle s'oppose par définition à l'obsolescence programmée, à la surconsommation, à l'innovation disruptive, aux récits de la modernité.

Pour des fiches pratiques, voir les notes de l'ICC détaillant comment prendre soin de plusieurs types de matériaux, par nettoyage, polissage, cirage et diverses formes d'entretien.


Le nettoyage des emballages est une pratique incontournable dans une démarche d'écoconditionnement en vue de sortir de l'usage unique et d'allonger la durée de vie des matériaux.

La pratique d'entretien la plus répandue auprès des professionnel·les du patrimoine demeure le lavage de certains emballages, tels que les toiles de coton décati ou le Tyvek®, pratiqué par près de 45% des professionnels d'après l'enquête AFROA/APREVU/FFCR. Le lavage à l'eau claire ou avec la lessive la plus neutre possible, à basse température, à la main ou en cycle doux à la machine sont à privilégier, afin de minimiser le risque d'altération des matériaux. Si l'impact à la fabrication est plus importante pour le coton que le Tyvek®, il semblerait que la durée d'utilisation penche malgré tout en faveur du coton qui peut être lavé et donc réemployé un nombre de fois plus important.

Les matériaux plastiques de type PP peuvent être dépoussiérés au chiffon électrostatique et/ou aspirés, lavés à l'eau puis séchés, avant d'être stockés, par exemple sur palettes, et filmés pour éviter l'empoussièrement.

Les mousses en polyéthylène de type PEhd peuvent être nettoyées à l'aide d'un chiffon humide, il faut ensuite veiller à assécher la surface rapidement après nettoyage.

De manière générale, il est conseillé de garder un sol le plus propre possible, afin de ne pas salir les matériaux à son contact et favoriser leur réemploi.


Comme pour les emballages, les gants, qu'ils soient en nitrile ou en coton, sont lavables et utilisables plusieurs fois. Pour économiser du matériel et des ressources, il faudrait privilégier les mains nues et propres dès que c'est possible.

Le C2RMF a édité un document d'aide à la décision pour utiliser un type de gants adapté en fonction des manipulations à réaliser : grille décisionnelle simplifiée pour le choix des gants.


La phase de fabrication - chapitre précédent 3. Optimisation du conditionnement - est ici clé : un conditionnement pensé pour être démontable et séparable pourra plus facilement être réparable et donc allonger sa durée de vie. Par exemple le remplacement d'une pièce d'un aménagement intérieur modulable pour une caisse. Pour favoriser la réparation, il s'agit aussi de privilégier les systèmes mécaniques (fil de nylon, fil de lin, etc.) plutôt que les systèmes chimiques (adhésifs, colles).

La réparation d'emballages existants fait partie des axes de développement d'écoconditionnements identifiés au sein de la société LP Art. Des possibilités sont ouvertes pour avancer sur ce sujet avec les musées qui en font la demande.


Réemployer & donner

Le réemploi est une pratique largement répandue dans les institutions patrimoniales et chez les professionnel·les de la régie et de la conservation-restauration. Selon l'enquête AFROA/APREVU/FFCR : 96% des répondant·es déclarent réemployer leurs matériaux de conservation.

L'article L541-1-1 du Code de l'environnement définit le réemploi comme toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus. Dans le contexte de l'écoconditionnement, on entend par réemploi le fait d'utiliser de nouveau un conditionnement et ses matériaux constitutifs sans modification majeure de son usage initial.

Le réemploi nécessite une gestion du conditionnement comme un outil, une ressource, qui implique des espaces dédiés, du temps et des modalités d'entretien écrites et partagées.

L'allongement de la durée de vie du conditionnement par le réemploi s'anticipe ! Là encore, il est facilité par certaines modalités de fabrication comme l'utilisation de formats standards (bacs gerbables, palettes Europe) ou la conception modulable (caisses type Turtle) - voir chapitre 3. Optimisation du conditionnement.

Différentes pratiques de réemploi :

  • réemploi des caisses pour la même œuvre ;
  • réemploi des caisses avec aménagement interne des mousses pour une œuvre de format différent ;
  • réemploi des matériaux constitutifs de l'emballage : bois, carton, mousses, Tyvek® ;
  • réemploi des équipements : EPI, gants en nitrile, etc.

Selon Stéphane Pompidou, ayant réalisé des analyses de cycle de vie de caisses de transport, il suffit qu'une caisse soit réemployée deux fois pour générer un bénéfice environnemental.


Le don intervient entre la mise en vente et le recours à une prestation d'enlèvement de déchets. Il permet de remettre en circulation des matériaux ou du matériel plutôt que de les jeter, si l'institution culturelle souhaite s'en séparer, par exemple pour des questions d'espace de stockage.

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire du 10 février 2020 promeut le réemploi des biens matériels. Pour les structures culturelles relevant de la fonction publique (collectivités, musées en régie, établissements publics...), le don est encadré par le CG3P et par la loi 3DS du 21 février 2022. L'État met à disposition de la documentation, notamment un Mémento sur le cadre juridique et pratique du don par les personnes publiques ainsi que des modèles de conventions.

À noter que les conditionnements usagés peuvent entrer dans une démarche de don : en effet, en l'absence d'une filière organisée de valorisation et en raison de la difficulté à recycler les éléments d'une caisse ou d'un conditionnement usagés, on peut considérer ces éléments comme des biens mobiliers non valorisables : "Sont considérés comme tels les biens obsolètes, technologiquement dépassés, vétustes, inutilisés, détériorés et/ou en panne ou les biens dont la valeur vénale est inférieure aux frais de vente".

Pour faciliter le don, différentes plateformes et réseaux professionnels se sont développés :

  • Via les services de l'État et des collectivités - Site des dons des biens mobiliers du Domaine : le site est réservé aux administrations d'État et à leurs établissements, aux collectivités territoriales, à leurs établissements et à leurs groupements pour la publication des offres de dons. Les bénéficiaires peuvent être ces mêmes institutions ainsi que les fondations ou associations reconnues d'utilité publique et certaines associations ou organismes dont l'objet social correspond à celui exigé par la loi.
  • Via une association professionnelle - Le service inter-régie de l'AFROA ou l'association Musenor : tous·tes les adhérent·es de l'association peuvent bénéficier d'une page dédiée sur le site internet pour proposer des dons (matériaux de conditionnement et mobilier muséographique). Une newsletter met également à jour les propositions de dons.
  • Via une initiative au sein d'une institution - VALODON (contraction de VALOrisation et de DONner) au Centre Pompidou : le projet a vu le jour en 2018 par une équipe d'une quinzaine d'agents bénévoles. Il a pour objectif de recueillir divers matériels provenant des services du Centre Pompidou pour les donner à des associations caritatives, culturelles, des écoles d'art et des établissements scolaires. Un répertoire d'une cinquantaine d'associations a été rassemblé pour cibler au mieux les propositions de dons.
  • Via des prestations externes : La réserve des arts, Plinth, In Limbo (à Bruxelles), Fédération des Récupérathèques, Les Ateliers Chutes Libres, L'art et la matière (Mulhouse), Muto, la Chutothèque au Mans, le réseau national des ressourceries et recycleries, etc.

Face aux réponses souvent très rapides et nombreuses aux propositions de dons, il faut prendre en compte divers critères qui vont aider à choisir la personne bénéficiaire :

  • Le pourcentage du mobilier donné récupéré en une seule fois ;
  • La facilité logistique et organisationnelle du don ;
  • La distance parcourue pour venir chercher le mobilier ;
  • Les relations avec l'institution concernée ;
  • L'ordre d'arrivée de la demande.


Réutiliser & upcycler

L'article L541-1-1 du Code de l'environnement définit la réutilisation comme une opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau : dans le contexte de ce guide, la réutilisation consiste donc à inventer une deuxième vie, une autre vie pour les matériaux de conditionnement. En interne au sein d'un établissement culturel, il s'agit de leur trouver une nouvelle utilité dans un autre espace, un autre service.

Quelques exemples :

  • Le musée-château de Boulogne a transformé des mobiliers de présentation pour aménager sa boutique et son accueil ;
  • Le musée de Bretagne réutilise les plaques de Dibond® pour en faire des fonds de caisses ou des plateaux ;
  • Le musée Marc Chagall à Nice a réutilisé des caisses pour en faire des servantes ;
  • Pour une meilleur gestion des chutes de mousses, il est possible de les broyer au mixeur pour les réutiliser différemment, en oreillers de calage par exemple ;
  • Les chutes de Tyvek® quant à elles peuvent être réutilisées de diverses manières, par exemple pour faire des sangles ou des attaches pour le transport de costumes comme indiqué sur cet article : Slings and Arrows: Safe Costume Transport (culturalheritage.org).


La nouvelle vie des matériaux ou éléments de conditionnement peut avoir lieu également en dehors de l'institution culturelle, on parle alors de remise en circulation. Ce procédé peut être pris en charge par une ressourcerie culturelle par exemple, ou alors géré directement par le musée ou un réseau dédié. Dans les deux cas, cela implique une mise en réseau avec les acteur·rices du territoire, pour arriver à identifier pour qui (associations, entreprises...) ces déchets pourraient devenir des ressources. C'est une première approche de mise en application de l'écologie industrielle territoriale, l'un des piliers de l'économie circulaire par la gestion de flux entre acteur·rices locaux·ales.

Cette remise en circulation nécessite une organisation logistique, et donc une certaine anticipation.

Quelques exemples :

  • Les Musées de Dunkerque ont mis à disposition des caisses de transport pour les étudiant·es de l'École d'Art, transformées en mobilier de stockage pérenne pour l'atelier-enfant ;
  • Le Centre de Conservation du Louvre a donné des chutes de bois à l'ESAT de Liévin réutilisées pour fabriquer des nichoirs et des chutes de mousses à l'ESA Saint-Luc de Liège pour un projet artistique d'un étudiant, Arnaud Tantet, autour de la création d'objets par la destruction de matières plastiques par des vers.


L'upcycling, parfois traduit par "surcyclage", est une manière de réutiliser : c'est une pratique émergente qui valorise les objets ou produits usagés en leur donnant une nouvelle vie plus qualitative. Autrement dit, on donne une nouvelle vie "haut de gamme" au matériau d'origine (planche en bois, vieille bâche, tissu, carton, emballage plastique...), souvent très loin de sa première vie. Par la créativité que demande ce type de transformation, l'upcycling est une pratique qui se développe dans le milieu du design, mais aussi de la scénographie.

Quelques exemples :

  • Les caisses de transport de la société Chenue ont servi à l'aménagement de lieux, notamment de mobilier, comme La Communale à Saint-Ouen ;
  • Les caisses de transport peuvent également être upcyclées pour de la scénographie d'exposition : en support de présentation comme pour "Tromelin, l'île des esclaves oubliés" au Muséum National d'Histoire Naturelle (Pascal Payeur), comme assises et comptoirs à l'espace exposant de la Fédération XPO au salon SITEM 2024 (Plinth), ou encore redécoupées pour créer de nouveaux éléments au festival Anticipation 2023 (Hélène Poniard / Sten Ridarch, atelier Super9) ;
  • Le Musée d'Archéologie Nationale a mis en place un projet original de valorisation scientifique d'anciens conditionnements, incluant un dispositif de médiation auprès des publics ; évoquons aussi l'initiative de la Maison de l'histoire européenne à Bruxelles qui a exposé ses propres déchets, récoltés pendant un an, pour l'exposition "Jeter", visant à sensibiliser sur cette thématique.


    Recycler

    Les normes et les usages en matière de conservation préventive sont largement diffusés et répandus dans les structures patrimoniales et culturelles en France. Les pratiques sont donc relativement homogènes, notamment dans le choix des matériaux de conditionnement. Le domaine de la fourniture des matériaux de conditionnement et de conservation est également relativement peu concurrentiel. Alors que les usages sont conventionnels et largement diffusés, les procédures de recyclage sont parfois peu lisibles, souvent mal connues des professionnel·les de la culture et du patrimoine.

    D'après l'enquête AFROA/FFCR/APREVU, la majorité des personnes qui travaillent sur le conditionnement des œuvres n'a pas connaissance de la quantité de déchets qu'ils produisent dans le cadre de leur mission. Certains matériaux sont recyclés plus systématiquement, notamment le carton et le papier (sans distinction avec les déchets de bureaux). Dans la plupart des cas, les filières de tri utilisées sont celles mises en place par la tutelle et concernent donc les papiers et plastiques. Les plastiques intégrés aux filières de tri semblent cependant ne pas intégrer les plastiques de conditionnement et notamment les mousses PE non réticulées, alors même que ces plastiques sont réputés recyclables à l'infini. Alors que les plastiques se sont largement imposés dans les usages du conditionnement des œuvres d'art ces trente dernières années, leur recyclage est encore problématique.

    En France, le décret 7 flux (loi AGEC) impose aux producteurs ou détenteurs de déchets qui génèrent plus de 1 100 litres de déchets par semaine (ou qui emploient plus de 20 salariés) d'effectuer le tri à la source. Le plastique fait partie du décret 7 flux. Chaque responsable de structure doit donc pouvoir échanger avec les responsables du tri, afin d'améliorer le tri à la source et de s'assurer de la destination des plastiques collectés.

    Les différents plastiques utilisés dans le conditionnement sont presque tous recyclables (voir détails dans la liste ci-dessous). Ce qui manque aujourd'hui, c'est une filière de tri à la source et d'acheminement jusqu'aux usines de recyclage et transformation. Autrement dit, il manque l'opérateur rendant le recyclage possible. Pour que la filière se développe il y a en outre un enjeu de masse critique car chaque établissement culturel, pris isolément, constitue un gisement trop faible de matière pour intéresser la filière du recyclage. C'est pourquoi l'une des pistes que les réseaux et les acteur·rices culturel·les pourraient explorer réside dans l'organisation collective et la mutualisation.

    Bien que le recyclage soit amené à largement se développer dans les années à venir, compte tenu du fait que recycler consomme de l'énergie, que les déchets ne sont pas tous recyclables, qu'ils ne le sont pas à l'infini, que le taux de collecte reste faible (25% selon le dernier rapport de l'Ademe) et les capacités de tri et de traitement limitées, la priorité doit être de réduire l'usage du plastique neuf et de privilégier toutes les solutions présentées précédemment (approvisionnement en matériaux biosourcés et compostables, réemploi, réparation, réutilisation, refabrication...), évitant la production de déchets à traiter de manière industrielle.

    Ci-dessous les détails des possibilités et modalités de recyclage par type de plastiques couramment utilisés pour le conditionnement.

    Le PET est un polymère transparent, solide, résistant à l'humidité, qui peut être thermoformé, il est très utilisé pour les emballages. Sont en PET les films de type Mylar® et Melinex®, l'intissé de type Bondina® et la ouate de polyester utilisée pour les rembourrages et mannequinages. Le PET peut être recyclé en filière classique (bac jaune) et séparé de la collecte en centre de tri. Il est 100 % recyclable. Mais il ne l'est pas à l'infini, seulement 3 ou 4 fois, à condition qu'il n'y ait aucun ajout d'additif.


    Il a été découvert dans les années 1950, le polycarbonate présente de nombreux avantages : transparent, résistant, isolant électrique. Il est souvent utilisé pour la création de boîtes, dos protecteurs, plateaux de manipulation. Le polycarbonate est facilement recyclable, il fait d'ailleurs partie des rares plastiques à ne pas perdre ses propriétés à son point de fusion, il peut donc être fondu et refondu quasiment à l'infini. En revanche pour être recyclé il doit être isolé des autres déchets plastiques et doit donc être amené directement en centre de recyclage. Il faut relever également que bien qu'il soit recyclable, la filière n'est pas aussi bien développée que pour le PET ou le PEHD. Ceci pour deux raisons principalement : une difficulté technique d'élimination des impuretés, une difficulté économique liée à son coût élevé de recyclage et donc une faible demande en PC recyclé.


    C'est le plastique le plus utilisé à travers le monde, notamment pour fabriquer des bouteilles de lait, des sacs plastiques et du film d'emballage plastique. Néanmoins, il faut distinguer plusieurs natures de polyéthylène, en fonction du type de polymérisation :

    le PEbd est un plastique à « basse densité », utilisé notamment pour la plupart des sachets grip transparents, films à bulles, films de type polyane, etc. Ces films sont traités dans la filière classique en bac jaune et ensuite en centre de tri ;

    le PEhd est un plastique à « haute densité », utilisé notamment pour les mousses de calage. Parmi les PEhd, il faut distinguer deux types de plastiques particulièrement utilisés, dont l'un est recyclable à 100% et l'autre n'est pas recyclable du tout :

    • Les mousses PEhd non réticulées de type Ethafoam : elles peuvent être recyclées à 100% en de nouvelles mousses, à condition qu'elles ne soient pas souillées par des dépôts gras, des traces de peintures ou des adhésifs et à condition également qu'elles soient correctement isolées des autres plastiques. Certains fabricants et fournisseurs disposent de filières de recyclage dédiées (cf. Packup en France, Crozier aux USA), mais ne prennent pas en charge la collecte des matériaux chez les utilisateurs. Ce PEhd peut être recyclé jusqu'à 10 fois (mais c'est rarement le cas car mélangé ensuite à d'autres types de plastiques).

      Le Tyvek® fait partie de cette famille des mousses PEhd non réticulées. En France, son recyclage est possible grâce à TerraCycle®, spécialisé dans le recyclage de déchets difficilement recyclables. TerraCycle® fournit une Boîte Zéro Déchet™ pour la collecte spécifique au sein de l'établissement client. Également, le fabricant du Tyvek®, DuPont™, propose son propre programme de recyclage, donnant lieu à de nouveaux produits tels que des pièces automobiles, des protections de câbles ou des supports d'emballage. DuPont™ fournit une pochette de recyclage et il faut payer les frais d'expédition pour retour au fabricant. Pour son recyclage, le Tyvek® doit être sans adhésifs ni étiquettes.

      Ressource: Guide "Waste and Materials" par Ki Culture

    • Les mousses PEhd réticulées, de type Plastazote : elles ne sont pas recyclables. Aucune filière dans ce domaine n'a été identifiée dans le cadre de l'écriture de ce guide. Certains fabricants cherchent des débouchés du côté de la réutilisation de leurs chutes pour des revêtements de sols souples type terrain de sport (cf article de JPJ Mousse).

      À noter que le recyclage de certaines mousses PE innovantes indiquées comme recyclables n'est pas garanti dans la mesure où les filières de tri ne sont pas capables de les différencier des autres mousses PE non recyclables.


    Le polypropylène fait partie de la famille des thermoplastiques, c'est-à-dire des plastiques qui prennent leur forme sous la chaleur puis qui durcissent en refroidissant. Il est relativement bon marché et résistant. Il sert principalement à la fabrication de bacs gerbables (norme EURO) et de différents types de palettes. La durée de vie des bacs PP est estimée à environ 40 ans. Le polypropylène est 100% recyclable et collecté via le bac jaune. Il n'est pas recyclable à l'infini car le plastique est dégradé à chaque nouveau cycle de recyclage. Il peut être recyclé 3 ou 4 fois.


    Les gants en nitrile sont réalisés en polymères, alliant le butadiène et l'acrylonitrile. Il n'existe pas aujourd'hui de solution de recyclage effectif en France pour ces gants dits jetables et très difficiles à recycler, nécessitant une technologie particulière. Depuis peu, l'entreprise Kimberly-Clark Professional™ a lancé le programme RightCycle™, toute première solution de recyclage de vêtements et de gants en nitrile non contaminés, pour ses propres produits Kimtech™. Ce service n'est disponible qu'au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Espagne, en Suisse et aux Pays-Bas. Une expérimentation est cependant en cours en France, par le biais de TerraCycle (plus d'informations pour participer au programme).


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    Introduction

    1. Le sujet

    2. Choix des matériaux

    3. Optimisation du conditionnement

    4. Optimisation de l'usage et de la fin de vie

    Voir ci-dessus

    5. Pilotage de la transition

    6. Recommandations

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    Mentions obligatoires pour citer tout ou partie de ce guide : Augures Lab Scénogrrrraphie, "Guide de l'écoconditionnement des œuvres", juin 2024, url : https://www.ecotheque.fr/boite-a-outils/travaux-du-lab/eco-conditionnement-des-oeuvres